Seul à Zanzibar 5 : Super intelligence
Mes bien chers frères, mes bien chère soeurs,
Cette semaine, j'ai revu les corrections d'une grosse traduction de SF (et les compliments du directeur d'ouvrage, après des mois de boulot, m'ont vraiment fait chaud au coeur) et je suis allé chez mon éditeur entrer, avec lui, les dernières corrections de mon prochain roman, Allison.
Le livre ne sortira qu'en mars, mais en attendant, vous pouvez écouter sa playlist sur spotify. Honnêtement, c'est la meilleure playlist de la galaxie.
Pour la sortie du bouquin, je suis invité au salon du livre de Paris (pour la première fois) les 19 et 20 mars. Je dédicacerai avec mon pote et camarade de Fahrenheit, Ludovic Lamarque, dont le roman Je suis le sang sort à la même date.
Il y aura aussi une soirée de lancement à Bordeaux, avec une lecture musicale.
Je reparlerai de tout ça le moment venu.
La livraison de la dernière fois m'a donné du grain à moudre. Comme d'habitude, je réfléchis après avoir écrit. Tout moi, ça.
Bref, j'ai balancé le lien du site de Michel Fiffe sans trop expliquer. Fiffe est l'auteur d'une bédé qui m'a enthousiasmé, Copra. J'en parlais là. Et ce type m'a l'air complément obsédé par les comics de super-héros. Sa série est un décalque de Suicide Squad, une série qui l'a marqué lorsqu'il était gamin. Sur son blog, il parle de vieux comics des années 80, des reliures qu'il fait lui même de ses bd favorites, d'auteurs oubliés, bref, il semble vivre et respirer uniquement pour cette passion. Je me trompe peut-être, mais il donne l'image d'un monomaniaque qui semble tout diriger vers cette unique obsession. Et son enthousiasme est communicatif. Sans avoir un dessin magnifique, il parvient, grâce à des scénarios prenants et un découpage astucieux, à emporter dans un récit à la fois moderne et "hommage" à un âge d'or disparu. M'intéresser à une série de super-héros décalque d'une série des années 80 ressemble à un petit miracle. Mais il a parfaitement réussi. Parce qu'il est à fond dans son truc (il s'occupe même tout seul d'éditer sa bd) et que cette façon de se vouer corps et âme à un seul objectif, une seule passion qui oblitère tout le reste, emporte tout sur son passage. C'est convaincant, enthousiasmant, presque magique.
C'est un processus semblable à celui qui faisait fonctionner Chaland et dont je parlais la dernière fois.
Un processus que je comprends, qui donne des oeuvres admirables, mais qui n'est pas, et ne sera jamais, le mien. Contrairement à ces artistes qui se donnent à fond dans une seule optique, vers un unique objectif, j'ai le défaut d'être trop dispersé. De trop vouloir faire de choses.
Dans mes projets, il y a pêle-mêle des bd fantastiques, de SF et sociétales, un polar en prose, un space-op et une série de petits bouquins pour les gamins. Sans parler de ce que j'aimerais faire en musique si j'avais plus de temps et de mes envies de faire du scénario de jeu vidéo. Heureusement que je ne sais pas dessiner.
Mes envies sont multiples et je passe d'une chose à l'autre parce que plusieurs passions m'animent, que je peux craquer sur quelque chose qui deviendra la chose la plus importante de ma vie pendant quelques mois avant de tomber sur un autre sujet qui me rendra fou, mais qui n'oblitérera pas le précédent. Mes intérêts sont divers et il n'y pas d'objectif unique qui surpasse tous les autres. Je m'éparpille façon puzzle.
Je n'ai pas cette obstination, cette ambition sur une cible précise que je vois chez d'autres autour de moi (encore chez des potes croisés à Angoulême) et qui est peut-être le secret de la réussite.
C'est peut-être un défaut, mais c'est comme ça. Et j'ai atteint le stade de ma vie ou je suis en paix avec tout ça. Je sais, à peu près, comment je fonctionne, et ce qui me fait avancer. Je ne changerai pas.
La réussite ?
Bah, la réussite c'est de faire ce qui me plait.
Vendredi soir, soirée avec un camarade scénariste qui habite loin et avec qui je bosse sur un projet. Très stimulant, sans concession et motivant. Je ne peux pas dire vraiment de quoi nous avons parlé, mais il y a, dans le lot, des choses qui peuvent être fabuleuses.
J'ai aussi brièvement évoqué Deep Mind, l'intelligence qui a battu le champion d'Europe de Go, dans la précédente livraison. Et j'en ai parlé avec Julien qui a aussitôt dégainé son savoir sur le deep learning et la singularité ; le gars a toute la collection de Wired dans ses chiottes, il faut dire. Quand Ray Kurtzweil est en ville, il vient dîner chez lui.
Et du coup, il m'a balancé des liens supers sur les intelligences artificielles. Pour commencer, cet article qui détaille le fonctionnement de Deep Mind. Attention, c'est ardu.
Puis ce long post en deux parties, passionnant, sur les différentes formes d'intelligences artificielles, l'acccroissement prévisible de celles-ci et ce qui pourrait arriver lorsqu'on obtiendra une véritable super intelligence, si éloignée de notre modèle de pensée actuel que nous n'avons aucun moyen de prédire son fonctionnement ou son comportement. L'exemple de l'extinction de l'humanité par une intelligence de ce type fait froid dans le dos.
J'aimerais être dans le camp des optimistes et me dire que si je tiens jusqu'en 2060, j'ai peut-être une chance de devenir immortel, mais j'ai beaucoup de mal à ne pas pencher plutôt pour l'hypothèse de l'extinction.
Bon, c'est en anglais, mais écrit dans un langage courant assez simple.
Heureusement, l'excellent Rémi Sussan résume tout cela dans cet article en français. C'est bien plus court et condensé, mais l'idée est là.
Une chose est sûre, c'est que l'exploit de Deep Mind donne à penser que l'augmentation des capacités des intelligences artificielles ne ralentit pas. Bien au contraire. Les spécialistes français, à l'origine des méthodes qui ont permis à la machine de battre l'homme ne pensait pas que c'était possible aussi vite.
Je ne sais pas si vous avez vu, mais nous avons trouvé un véritable super-vilain, un méchant si méchant qu'il en devient caricatural. Bon, ce n'est pas un génocidaire de masse, mais il est tellement ridicule qu'il ressemble à un méchant de bande dessinée. Martin Shkreli, donc, c'est l'enfoiré qui a racheté un labo pharmaceutique et a augmenté le prix d'un parasiticide utilisé contre le VIH de 5500%, le faisant passer de 13$ à 750$. Il a aussitôt été surnommé l'homme le plus détesté d'Amérique. Il a aussi acheté l'album du Wu Tang Clan produit en un exemplaire unique.Toute l'histoire est là, mais le plus marrant là-dedans, c'est que : "Il est convenu avec l’acquéreur que durant les 88 années de confidentialité de l’album, le vendeur peut légalement mener à bien un plan pour braquer et voler « Once Upon A Time In Shaolin » et si cela réussi, l’album appartiendra à nouveau au groupe. Ce vol et braquage ne peut être commis que par les membres actifs du WU-Tang Clan et/ou Bill Murray, sans répercussion judiciaire".
Bon, c'est bidon, mais ça aurait été vraiment trop beau.
Mais ce Shkreli reste tout de même fascinant, entre sale gosse richissime et super méchant d'opérette. Et ce petit sourire lorsqu'il répond à la commission du congrès. Cette attitude hautaine, ce regard mauvais.
Un fan de Lex Luthor, probablement. Mais où est Superman ?
Si vous êtes arrivés jusqu'ici, bravo. Voici les liens:
- Une bd en cours de fabrication sur Thelonious Monk. Ca a l'air magnifique. Je veux bien la traduire.
- Aaron Brookner sur les traces de son oncle Howard et des bobines restantes de son documentaire sur William Burroughs. Un documentaire.
- Un kickstarter pour un docu sur Ursula Le Guin qui a bien pété les scores. Parfois, je me dis que les gens ne sont pas aussi nazes que je le crois.
- David Simon (The Wire, Treme, etc) nous raconte que Oscar Isaac a été bon sur Show Me a hero, que je vous conseille vivement, d'ailleurs.
- L'algorythme de Google est transformé peu à peu par le deep learning. Le robot du jeu de go sert bien à quelque chose.
- Peter Watts nous explique pourquoi Zika pourrait sauver l'humanité. Et je ne l'avais pas signalé, mais c'est une histoire assez triste sur le monde de l'édition et d'Hollywood : le même auteur raconte comment il a été embauché pour écrire un roman dans l'univers de la série TV Person of interest. Puis comment, dans le post suivant, il s'est fait virer pour des raisons futiles.
- Une IA (enfin presque) conçue pour jouer à Jeopardy! par IBM, candidate à la Maison Blanche: c'est Watson.
- Une interview fleuve et passionnante de George Miller.
Bon, j'arrête ici, vous devez en avoir plus qu'assez.
J'espère que vous serez toujours là, la semaine prochaine.
Continuez à m'écrire en répondant à ce message. Si vous m'y autorisez dans vos mails, je vous citerai et essaierai de vous répondre si cela si prête. Une sorte de courrier des lecteurs à l'ancienne. Ca peut être rigolo, si vous assurez un peu, bande de gros feignants.
D'ici là, ne soyez pas sages, lisez de bons livres...
Laurent

